A travers l’histoire de ce laboratoire d’idées qu’est l’ADDES, l’auteur analyse les débats qui l’ont traversée mettant ainsi en lumière les problématiques et les enjeux à l’œuvre dans l’ESS depuis 35 ans
Dans ce petit livre commandé pour les trente ans de l’Association pour le développement des données sur l’économie sociale (Addes), l’historienne Patricia Toucas-Truyen retrace cette « aventure intellectuelle », partagée avec la Fondation Crédit coopératif et la Recma, et présentée par Jean-Louis Bancel et Hugues Sibille en préface.
2L’ouvrage montre l’ampleur du chemin parcouru depuis les premiers constats partagés par des chercheurs et des statisticiens lors de la création de l’association en 1982, autour de l’idée d’un compte satellite pour rendre compte des spécificités de l’ES (renaissante) dans la comptabilité nationale, jusqu’aux séries statistiques actuelles publiées par l’Insee, dont le rôle a été reconnu par la loi de 2014. Ces avancées, comme les difficultés rencontrées, ont été présentées dans les différents colloques annuels, vitrines de l’Addes, préparés par des comités techniques (puis scientifiques) réunissant chercheurs, statisticiens et cadres du mouvement (chapitres 1 et 2).
3Mais mesurer impose d’identifier : l’Addes s’est largement appuyée sur les analyses des quelques chercheurs présents dans l’association au début des années 1980, notamment le sociologue Henri Desroche et l’économiste Claude Vienney, le premier distinguant les structures instituées et instituantes, et le second le noyau et le halo du secteur – une réflexion décalée mais toujours d’actualité, comme le rappelle Henry Noguès dans sa conclusion.
4Derrière le fil rouge de la connaissance statistique, et en accordant une vigilance particulière à ce point (cf. colloque de 2015), l’Addes a réuni des analyses plus approfondies (chapitres 2 à 5) sur certains secteurs, dont les associations, qui se laissent mieux appréhender grâce aux travaux de Viviane Tchernonog et, aujourd’hui, l’enquête Insee ; sur les groupements mutualistes et coopératifs dans la banque, l’assurance et l’agroalimentaire ; et sur les fondations, apparues plus récemment. Elle a aussi creusé certaines problématiques comme l’emploi, le financement, la territorialisation et les rapports aux pouvoirs publics et, plus récemment, les questions relatives à l’intérêt général et au « bien commun ».
5De ce fait, depuis 2010, l’Addes participe à la réflexion plus théorique sur la nature et le devenir de l’ESS, jusqu’à se questionner sur la construction d’une « théorie de l’ESS » (chapitre 6). Elle a élargi la distribution du prix de thèses instauré en 1986 à celui des mémoires de DEA, DESS puis masters. Après la publication de cet ouvrage, elle a fait un pas de plus en organisant, le 18 juin 2019 à Paris, une rencontre de chercheurs afin d’engager une réflexion stratégique en vue d’une meilleure reconnaissance de l’ESS dans le monde académique (voir le « Temps fort » dans Recma n° 354).
6Au-delà de la volonté interne de revenir sur cette histoire associative en évaluant et en valorisant son parcours, cet ouvrage (complété par six annexes sur les colloques, prix de mémoires et de thèses décernés et membres du comité scientifique) apporte un éclairage particulier sur trente années de recherche de connaissance et de reconnaissance de l’économie sociale (devenue ESS). Il témoigne de la difficulté d’identifier, de mesurer, d’analyser et de conceptualiser ce champ à la fois stable et mouvant, intégrateur et émancipateur, mais aussi de la belle constance ainsi que de l’adaptabilité des acteurs qui ont porté (et portent encore) cette aventure collective.
Danièle DEMOUSTIER – Publié dans la RECMA, janvier 2020, N° 355